Chercher Barenton, c’est accepter de se perdre... La quête a longtemps été une aventure hasardeuse. Cachée dans les landes de Lambrun, la rieuse en a découragé plus d’un. De nombreux sentiers parcourent la lande. On a toujours l’impression de s’en approcher, et pourtant, il arrive qu’on tourne autour, voir qu’on s’en éloigne. Aujourd’hui le balisage facilite l’approche depuis le village de Folle Pensée mais il convient de rester vigilant... La source se dévoile par surprise. Quelques blocs de pierre entourent un modeste trou d’eau abrité par un taillis de chêne. Elle peut étonner par sa simplicité, et même paraître désuète.
Barenton, comme le reste des merveilles de la forêt, ne s’offre précisément qu’aux démunis, à la passion solitaire, quête désintéressée et hors circuit. Ceux qui abordent la fontaine comme une attraction de “Merlin Land”, et rêvent de l’apprivoiser en lui jetant des cacahuètes doréees, redescendront d’ici poussés par le Serein de Barenton, un vent mystérieux et glacé qui sent la mort.
Il faut s’asseoir, écouter, s’imprégner des éléments, et ainsi goûter la quiétude du lieu. Quelques bulles de gaz agîtent soudain la surface de l’eau. La fontaine semble alors vouloir se raconter.
Chrétien de Troyes au 12e siècle et les romanciers du moyen-âge en ont révélé les secrets merveilleux. Les amours de l’enchanteur Merlin qui rencontra en ce lieu Viviane. Yvain le Chevalier au lion aux prises avec le Chevalier Noir gardien de la fontaine. Et la magie que renferme ce gros bloc de pierre qu’on appelle le perron, sur lequel vous êtes précisément assis. On apprend alors qu’en versant dessus de l’eau puisée à la fontaine, un incroyable cataclysme (ou au moins un orage) se déchaîne dans l’heure qui suit. La légende devint une croyance populaire. Ainsi au 15e siècle, il fallait l’intervention personnelle du seigneur de Montfort pour que le phénomène s’accomplît. Dans les Usements et Coutumes de la Forêt de Brécilien, on peut lire : Joignant à la Fontaine de Belenton, y a une grosse pierre qu’on nomme le perron de Belenton, et toutes les fois que le seigneur de Montfort vient à ladite fontaine, et de l’eau d’icelle roule et mouille ledit perron, il pleut au pays si abondamment que la terre et les biens estant en icelle en sont arousés et moult leur proufitte
. Et plus tard, ce pouvoir échut au curé de Concoret. Pour la dernière fois, en août 1835, lors d’une sécheresse exceptionnelle, le clergé de la paroisse organisa une procession solennelle. Le curé bénit la source, y trempa le pied de la croix et le secoua sur le perron de la fontaine. On assure qu’une pluie abondante s’abattit alors sur la région.
On dit aussi que les propriétés curatives de l’eau de Barenton étaient connues des druides. Pendant des siècles, on baignait les enfants dans la fontaine en espérant les guérir de la rache 1. L’eau était également utilisée pour la guérison des maladies mentales. Le nom du village de Folle Pensée viendrait de là 2. L’implantation d’un sanatorium antituberculineux fût même envisagée au début des années 30.
Éon de l’Étoile
Enfin, au milieu du 12e siècle, les alentours de Barenton étaient le refuge d’un étrange personnage, Éon de l’Étoile. Le « prophète de l’apocalypse » y rassemblait ses disciples. Pendant quatre années, il agita la contrée et y laissa une rumeur de sorcellerie. C’est à cette époque que la petite chapelle édifiée non loin de la fontaine fût détruite.
A l’évidence, il ne faut pas se fier aux apparences. A Barenton, on n’est jamais vraiment seul. La discrète fontaine est toujours là, éternelle, fabuleuse, n’offrant ses richesses qu’à ceux qui veulent bien s’y attarder. Et c’est bien ainsi...