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Lettre ouverte Association des Hébergements de Randonnées en Bretagne

Crise du Covid-19

Danger pour les hébergements de tourisme en Bretagne

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Lettre ouverte de l’Association des Hébergements de Randonnées en Bretagne qui regroupe sur le territoire breton des établissements de toutes tailles et de toute typologie : gîte de groupes et gîte d’étape publics et privés, chambres d’hôtes, hôtels, camping majoritairement labellisés et/ou classés. Chacun d’eux commercialise en direct ses propres prestations d’hébergement. Étant actuellement fermés, ces établissements s’interrogent sur leur devenir !

Ils sont fermés, conformément aux dispositifs d’État, en lien avec le Covid-19, et découvrent depuis une semaine qu’ils sont soumis aux dispositifs énoncés par l’ordonnance no2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure qui modifie un certain nombre de règles relatives à la gestion des clientèles, aux reports et avoirs et annulations de séjours.

En préambule, notre association reconnaît l’importance de protéger le lien de confiance établi entre l’hébergeur et son client, relation inscrite dans nos pratiques plus que dans la loi depuis toujours, en proposant des reports de séjours ou en essayant d’envisager le remboursement des arrhes et acomptes.

Cependant, le dispositif, tel qu’il a été établi par cette ordonnance en accord avec les représentants des grandes agences commerciales du tourisme, apparaît plus facilement applicable aux agences de voyages et de séjour, qui vendent plus largement des prestations individuelles pour lesquelles elles jouent un rôle d’organisateur et/ou d’intermédiaire avec d’autres prestataires. Or notre situation présente de grosses différences avec les problématiques des agences.

Nous souhaitons par ce communiqué attirer l’attention sur les réalités de notre filière concernant la gestion des groupes et les impacts prévisibles des annulations. Réalités qui expliquent que des hébergeurs s’en tiennent actuellement à demander, aux clients qui annulent, un temps de réflexion, avant de décider des formes de dédommagement/remboursement/report possibles.

Aujourd’hui, nos clients acceptent de nous laisser ce temps. Et nous attendons maintenant des institutions qu’elles nous l’accordent également, qu’elles acceptent de réfléchir avec nous à une gestion des annulations adaptée à nos problématiques et qu’elles comprennent que nous avons besoin de recul pour le faire.

Des clientèles groupes spécifiques

Les clientèles groupes sont structurées et spécifiques : il s’agit d’un ensemble d’individus se réunissant autour d’un projet (association, amis, famille...). Étant donné la taille de nos établissements, chaque groupe, même petit ou moyen, occupe souvent la totalité des lits disponibles. De fait lorsque le confinement sera levé, l’impossibilité de se déplacer pour un pourcentage même faible des individus constituant le groupe entraînera le retrait de l’ensemble du groupe. Par expérience, nous craignons que de nouvelles locations groupées ou individuelles qui pourraient intervenir après l’annulation ne viennent pas compenser les désistements car, déjà en temps ordinaire, il est assez rare de revenir au niveau de la réservation annulée. Or, les hébergeurs observent déjà des annulations jusqu’en septembre, annulations légitimes. Nous redoutons donc un taux d’annulation à peine imaginable pour nos établissements voir une absence totale de clients.

Dans ces conditions, nous avons aujourd’hui du mal à imaginer être financièrement en mesure de rembourser des acomptes, sauf à emprunter pour ce faire. A ce stade de la crise, le seul engagement que nous savons pouvoir tenir est la promesse de rembourser des acomptes sur des périodes annulées qui seront relouées.

Une solution adaptée aux agences

L’ordonnance propose aux agences une solution qui paraît séduisante au premier abord et qui est de proposer le remboursement sous forme d’avoir. Mais dans la forme envisagée, cette solution est difficilement transposable aux structures individuelles et indépendantes que nous sommes. Par exemple, nous ne pourrons pas, à l’instar des agences de commercialisation, proposer à nos clients d’utiliser un avoir dans un autre établissement que le nôtre ou pour un autre séjour sur une autre destination que celui qu’il aura annulé. Notre marge de manœuvre, nos capacités commerciales ainsi que celles de nos clients sont très différentes de celle des agences : il serait trop long de le détailler ici mais nous nous tenons à la disposition des instances décisionnelles pour les exposer si besoin.

Comment envisager 2021, voire 2022 ?

Nos réservations 2020 étaient structurées pour redémarrer les saisons à partir de mars, souvent jusqu’en fin de saison située globalement au retour des vacances de la Toussaint. Depuis le début de la crise, certains d’entre-nous proposent des reports au cas par cas, essentiellement en 2020, sachant que les clients qui réserveront en 2021 ou 2022 grâce à un avoir de 25 % les priveront donc de clients qui auraient pu payer 100 % de leurs séjour. Dans ce cadre, comment organiser 2021, voire déjà 2022 ?

  • Les reports proposés ou à proposer viendraient se situer sur des créneaux en réservation. Ceci indique que sur 2 ans, nous ne pourrions louer qu’une année. La perte d’exploitation de 50% sur 2 ans ne peut permettre le maintien des activités. Le risque des dépôts de bilan en nombre est clairement très élevé et comment imaginer qu’à choisir entre remboursement et avoir, nos clients n’opteront pas pour la sécurité du remboursement ?
  • Nous savons que les nombreuses annulations en 2020 devraient nous positionner en année « blanche » sans garantie de reprise ensuite. Comment anticiper ? Comment affirmer ? Comment convaincre ? Comment contractualiser à plusieurs mois, sachant que les arrhes et acomptes sont indispensable dans la gestion financière et engagement des investissements hivernaux ?
  • Dans ces conditions « formuler de nouvelles propositions » valables 18 mois et ceci dans un délai de 3 mois devient un casse-tête sans nom inadapté à la taille de nos structures.

Une nouvelle fois, nous avons le sentiment que cette ordonnance, qui nous paraît avoir été négociée avec l’accord des structures commerciales touristiques de type agence, lesquelles peuvent espérer cumuler en 2021 des séjours financés par des avoir et des séjours « neufs » n’est pas adaptée à notre situation et nous ne comprenons pas pourquoi nous sommes assimilés à ces structures dans la crise alors qu’en temps ordinaire nous n’entrons pas dans les mêmes catégories que les agences en matière de commercialisation.

Choisir entre contentieux et faillite

Pour les séjours annulés, chacun de nous n’a encaissé que des acomptes (les agences de commercialisation, elles, encaissent la totalité du séjour avant ce dernier) qui représentent des sommes cumulées que l’hébergeur aura un mal fou à rembourser alors que pour la plupart des membres des groupes qui annulent cela représente des sommes parfois très dérisoire (moins de 20€/pers souvent).

Dans ce contexte, la réaffirmation du droit au remboursement pour cas de force majeure qui figure dans l’ordonnance nous place dans une situation qui oppose le consommateur au producteur, ce qui n’a jamais été dans l’ADN de nos structures.

Comme si la force majeure frappait seulement le consommateur et pas le producteur. Comme si nous devions choisir entre contentieux et faillite.

Confiance et souplesse

Depuis toujours, les relations des membres de notre association avec leurs clients reposent sur la confiance et la souplesse. Parce nous sommes proches de nos clients, nous offrons souvent beaucoup plus de souplesse en matière de réservation et d’annulation. Aussi, depuis longtemps et bien que les clauses d’annulations soient contractuelles, nous favorisons, au nom du maintien à minima des prestations, ou parfois même de la solidarité ou de l’empathie, les gestes commerciaux de type report, avoir, remboursement de l’acompte, renoncement au versement du solde du séjour. Des gestes auxquels jusqu’à présent, nous n’étions pas obligés mais qui correspondent à notre philosophie de l’accueil. Simplement aujourd’hui nous ne savons pas encore si nous en serons capables et avons du mal à accepter qu’ils nous soient imposés sans le recul nécessaire.

Garantir les poursuites d’activités

Au nom de notre professionnalisme, du maintien des réputations de nos filières, du temps que souvent nous avons consacré pour accompagner nos clients dans la préparation de leurs séjours, en nous efforçant d’apporter une plus-value importante dans les chaînes de valeurs du tourisme régional, nous nous efforcerons aussi de prendre en compte les attentes de nos clientèles en matière de remboursement ou de report mais quelle perspective pourrons nous offrir sans garantir à court voire moyen terme, les poursuites d’activités ?

Nous sommes encore dans une phase de gestion des fermetures (les directives n’ont pas toujours été claires pour ceux d’entre-nous qui ne sommes pas ERP, et elles ne le sont toujours pas en zone non littorale) et dans une phase de prise en compte des annulations. Plus tard, il nous faudra établir des diagnostiques par établissement, avant d’élaborer des stratégies de reconquête des touristes, dont les comportements vont indéniablement évoluer et dans les destinations et types d’accueil, et dans la signature des contrats, en fonction des clauses de désistement.

Nous restons attentifs aux dispositifs d’accompagnements déjà mis en place et à la façon dont nous pourrons être soutenus directement et concrètement par les partenaires et les institutions sur nos espaces d’action. Ainsi que par les bailleurs et par les fournisseurs, les banques, les assurances...

Prendre le temps de mesurer, donner du temps pour analyser, pour échanger entre nous, pour être intégré dans les prises de décisions nous concernant : nous espérons par ce courrier vous avoir communiqué le positionnement actuel d’une association de professionnels de l’accueil touristique, social et éducatif, positionnement exprimé au nom d’une organisation dont la présidence est collégiale et entièrement bénévole c’est à dire une association sans salariés et gérée par les adhérents eux-mêmes sur chaque département. Mais qui a su se donner les moyens de cette prise de position collective, quelques heures avant le discours du Président du 13 avril, discours qui ne fait que renforcer nos craintes pour le devenir de notre filière.

Au nom de l’Association des Hébergements de Randonnée en Bretagne, le conseil collégial :

  • l’Aot, Marie-Pierre (06 89 50 09 85), Finistère
  • Renoux Joel, (06 77 08 07 11), Morbihan - Ille et Vilaine
  • Lyvinec Françoise (06 43 38 16 03), Finistère
  • Le Gratiet Chantal (06 74 82 00 22), Côtes d’Armor

Association des Hébergements de Randonnées en Bretagne


siège social Meneham
29890 Kerlouan
France